Raymond Bellour

Lundi 7 octobre 2020

Le cinéma parmi les arts du proche et du lointain

Le cinéma, art du mouvement dans le temps, est par excellence celui que sa matérialité rend le plus explicitement tributaire d’une variation plus ou moins continuelle du proche et du lointain, sitôt qu’il choisit de diviser sa continuité en plans. A l’inverse, les performances du théâtre et de la danse s’inscrivent dans un dispositif unitaire de réalité qui rend par nature leurs variations moins formalisables, comme cela s’avérait à travers les plans continus du cinéma des premiers temps. La littérature, de son côté, selon son abstraction propre, peut seulement évoquer ce que le cinéma se trouve montrer.

Quant à l’architecture, dite art de l’espace, elle peut étager plus ou moins les trajets qu’elle présuppose et ainsi les « plans » de vision qui leur correspondent, de sorte à ménager à partir de l’espace une expérience corporelle du temps.

En prenant comme référence l’analyse ancienne (1969) d’un segment des Oiseaux d’Alfred Hitchcock dont l’opposition proche/lointain se trouvait constituer l’une des trois pertinences formelles, il s’agira de commenter une suite d’exemples susceptibles d’incarner cette opposition entre proche et lointain. Mais on soulignera qu’elle s’avère aussi bien prendre la forme d’une variation plus ou moins accentuée des distances dans tant de plans développés du cinéma moderne et contemporain. Un de nos exemples s’attardera sur le film de King Vidor, The Fountainhead (Le Rebelle, (1948), consacré à la figure d’un architecte moderniste, et dont la fin symbolise à partir de son œuvre même cette opposition du proche et du lointain.

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